2017, l’année du bitcoin, des FAANG et de l’euro

Trois phénomènes aussi nets que surprenants ont marqué l’année qui s’achève. L’on aurait tort de ne pas les considérer comme autant d’avertissements de danger pour l’an prochain, qui sera probablement plus tumultueux que 2017. Analyse.

Nous arrivons peu à peu au terme d’une année financière plus que clémente, durant laquelle les taux n’ont (pour l’heure) pas réellement amorcé leur redressement malgré une reprise de plus en plus nette de l’économie mondiale en général et des économies européennes en particulier. Les banques centrales continuent en effet à mettre tout en oeuvre pour soutenir la reprise économique.

2017 est l’année où les investisseurs ont désappris à s’inquiéter

Résultat: les Bourses n’ont cessé de progresser et nous avons enregistré d’excellents rendements sur les marchés américains, japonais, émergents et européens. Ces douze derniers mois n’ont par ailleurs été marqués par aucune correction boursière significative. L’année 2017 fut ainsi celle où les investisseurs ont désappris à s’inquiéter. L’indice Standard&Poor’s500 a progressé chaque mois, à part une baisse négligeable (-0,04%) en mars dernier. Et c’est précisément là que réside le danger pour 2018. En outre, trois phénomènes aussi nets que surprenants ont marqué l’année. L’on aurait tort de ne pas les considérer comme autant d’avertissements pour l’an prochain, qui sera probablement plus tumultueux que 2017. Analyse.

Des canaris au fond de la mine

Elle est exceptionnelle et laisse présager une surchauffe des marchés financiers: l’ascension hallucinante du bitcoin et des autres cryptomonnaies. A la fin de l’an dernier, rares étaient les investisseurs à en avoir entendu parler. Aujourd’hui, le phénomène fait la Une de tous les médias. Ceux qui ont investi 1.000 dollars dans la plus célèbre monnaie virtuelle en 2010 disposent aujourd’hui (lors de la rédaction de cet article) d’un patrimoine d’environ 160 millions de dollars, appelé à grossir encore. Car l’évolution de la valeur du bitcoin en dollars prend des allures paraboliques. Malgré trois corrections de 30% et plus dans le courant de l’année – ce qui en soi est phénoménal _, le bitcoin a à nouveau vu sa valeur doubler ces deux derniers mois; et depuis le début de l’année, elle a décuplé ! S’il valait encore moins de 1.000 dollars en février, il se négocie en effet déjà à plus de 10.000 dollars. Lorsqu’au début de l’année, un conseiller avait pronostiqué un niveau stratosphérique situé entre 20.000-25.000 dollars, on lui avait ri au nez. Nous aussi, d’ailleurs…

Lorsqu’au début de l’année, un conseiller avait pronostiqué un niveau stratosphérique du bitcoin à 20.000-25.000 dollars, on lui avait ri au nez

Cette année, le bitcoin a quitté le petit monde des fanas de technologie où ces cryptomonnaies étaient confinées depuis longtemps. Aujourd’hui, pareil investissement n’est plus tabou, pas même pour les investisseurs institutionnels. C’est cependant la rareté de ces actifs qui a permis leur ascension fabuleuse. Il s’agit toujours d’un segment de marché étroit, où la pénurie est notamment alimentée par l’émission limitée de nouveaux bitcoins. Quand la demande progresse beaucoup plus vite que l’offre et l’appât du gain l’emporte sur le bon sens, tout est possible. Mais il s’agit toujours d’un marché “d’à peine” 300 milliards de dollars _ un montant certes nettement plus élevé qu’au début de l’année, mais inférieur à la seule capitalisation boursière d’Apple, que nous abordons ci-dessous.

Le phénomène du bitcoin et des quelque mille autres cryptomonnaies présente des similitudes fascinantes avec la tulipomania, cette bulle des bulbes de tulipes qui a éclaté aux Pays-Bas en 1637. Lorsque, comme à l’époque, il n’y a plus aucun lien entre la valeur réelle et la valeur de marché des biens, la chute peut être vertigineuse. Même ceux qui n’ont pas investi dans de tels actifs ne devraient pas ignorer le signal (d’alarme) que constitue l’explosion du cours du bitcoin. Elle est le canari tombé au fond de la mine.

Adoration des FAANG

Il y a quelques années, la presse financière (américaine) a créé l’acronyme FANG _ la contraction de Facebook, Amazon, Netflix et Google, les entreprises en forte croissance du secteur de l’Internet. Il reste très utilisé, même si Google a adopté l’appellation Alphabet Holding (l’entreprise faîtière). Nous l’élargissons à FAANG parce que nous considérons qu’Apple, la plus grande capitalisation boursière au monde (près de 900 milliards de dollars), y a également sa place. Les performances boursières fantastiques du quintet rappellent inévitablement la bulle du début du siècle. Car la part des valeurs technologiques dans la capitalisation boursière totale du S&P500 atteint à nouveau 24%, contre un pic de 25% en 2000.

La valeur boursière des FAANG atteint désormais le montant vertigineux de plus de 2.800 milliards de dollars

Les FAANG alignent les excellentes performances boursières depuis plusieurs années. Mais depuis le début de cette année 2017, la valeur boursière du quintet s’est accrue de plus de 800 milliards de dollars, et atteint désormais le montant vertigineux de plus de 2.800 milliards, soit 2,8 billions de dollars.

Les exploits boursiers des FAANG procèdent d’une certaine logique. Depuis plusieurs années, le secteur techno est une industrie à deux vitesses. D’une part, il y a les entreprises en forte croissance comme les FAANG et d’autres sociétés similaires. D’autre part, il y a l’industrie techno classique, symbolisée par des groupes comme IBM, Cisco et Oracle. Ces dernières ont été confrontées il y a quelques années au défi non négligeable de bouleverser complètement leur modèle économique. En cause: l’arrivée du cloud computing. Elles ont dû abandonner un modèle basé sur les ventes au profit d’un modèle fondé sur les abonnements. Chaque géant précité, notamment, a besoin de temps pour se métamorphoser en un acteur de poids dans ce segment.

Les FAANG ne sont pas confrontés à ce ” lourd ” héritage du passé. Facebook et Google sont fondamentalement des entreprises qui utilisent leur technologie pour vendre des annonces. L’entreprise de streaming Netflix fournit des films et des séries télévisées à la demande et concurrence ainsi les chaînes télévisées classiques. Amazon a commencé par vendre des livres sur Internet, pour étendre ensuite ses activités à d’autres produits. L’entreprise de Jeff Bezos a sauté dans le train du cloud computing il y a quelques années et est devenue, au travers de sa filiale Amazon Web Services, l’un des premiers fournisseurs mondiaux de services cloud.

Tant que les musiciens joueront, le marché continuera à danser. Mais la valorisation des entreprises FAANG atteint un tel niveau qu’elle ne laisse plus aucune marge pour un trimestre décevant. Il leur faut remonter la barre tous les trois mois. Cette adoration extrême des valeurs vedettes, qui supportent seules la hausse du marché (General Electric a perdu plus de 30% de sa valeur cette année), montre également le caractère très mature de l’ascension générale. Un deuxième canari s’évanouit dans la mine.

L’euro n’a donc pas perdu de terrain face au dollar en 2017

Résurrection de l’euro

Revenons aux prédictions faites en matière de devises pour cette année: toutes ou presque faisaient état d’une appréciation du dollar face à l’euro. Le billet vert allait au moins atteindre la parité, ce n’était qu’une question de semaines, de quelques mois tout au plus. Donald Trump n’est cependant pas parvenu à répondre aux attentes (énormes) placées en lui au début de son mandat et les prévisions relatives à l’économie américaine ont été revues à la baisse dans le courant de l’année. L’Europe n’a pas été balayée par une vague populiste, contrairement aux prévisions générales. Il n’est plus question de ” Nexit ” ou de ” Frexit ” après les élections néerlandaises et françaises. Sur le plan économique, l’Union européenne se dirige, selon les prévisions les plus récentes de la Commission européenne, vers une croissance de 2,2% cette année – elle n’a jamais été aussi élevée en dix ans. Et l’euro n’a donc pas perdu de terrain face au dollar en 2017. Au contraire : il a gagné 12%, la plus forte hausse en une décennie. Pour l’instant, il ne faut pas y voir un autre canari dans la mine. Mais des évolutions brutales et surprenantes des cours des devises sont souvent à l’origine d’accès de nervosité et d’inversions de tendance sur les marchés financiers.

Personne n’envisage actuellement que l’euro puisse poursuivre sa course ou qu’une crise de confiance puisse frapper Trump et le dollar en 2018. Mais ce pourrait être la cause d’une rupture de tendance sur les marchés d’actions et d’obligations.

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